Droit de vote cantonal pour les résident⸱e⸱s étranger⸱ère⸱s en débat à Genève et Bâle-Ville

30.04.2024 , in ((Voting Rights for Non-Nationals)) , ((No commenti))
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En 2024, la question de la participation politique des résident⸱e⸱s étranger⸱ère⸱s est à nouveau d’actualité à Genève et à Bâle-Ville. Ces deux cantons urbains présentent nombre de parallélismes. Le dynamisme de leur tissu économique s’accompagne d’une proportion élevée de résident⸱e⸱s sans passeport suisse qui atteignent respectivement 41% et 38% de la population résidente en 2023. Face à cette réalité, des initiatives politiques visant à élargir la base électorale cantonale sont actuellement en débat dans les deux cantons.

Déjà en 2005, ces deux cantons avaient marqué une avancée en direction du droit de vote communal des résident⸱e⸱s sans passeport suisse, bien que de manière différente. Genève, comme nombre de cantons romands, avait introduit le droit de vote des résident·e·s  étranger⸱ère⸱s de manière obligatoire dans toutes ses communes; Bâle-Ville, comme quelques cantons alémaniques, avait donné à leurs communes la faculté de l’introduire, lors de la révision totale de sa Constitution cantonale. Les victoires d’étape de 2005 avaient été précédées par de nombreuses tentatives.

Genève

La mise sur agenda de la revendication pour le droit de vote communal et cantonal des résident⸱e⸱s étranger⸱ère⸱s date de 1980: les associations d’immigrés lancent la première pétition nationale en faveur du droit de vote qui recueille 12’000 signatures à Genève. Une dizaine d’années plus tard deux initiatives cantonales sont lancées: la première demandant à la fois le droit de vote et d’éligibilité « Toutes citoyennes, tous citoyens » et la deuxième visant le seul droit de vote « Vivre ensemble, voter ensemble ». En 1993, elles sont largement rejetées en votation populaire. En 2001, le droit de vote actif et passif au niveau communal aux résident⸱e⸱s étranger⸱ère⸱s domicilié⸱e⸱s en Suisse depuis huit ans est refusé à une faible majorité.

En 2005, sont soumises au vote deux initiatives combinées sous l’étiquette « J’y vis, J’y vote». L’une visant le droit de vote et l’éligibilité sur le plan communal se heurte au refus d’environ 52% des votants, alors que l’autre visant le seul droit de vote est approuvée par quelques 52% des électeurs. Genève est ainsi le premier canton où l’octroi de droits politiques aux résident⸱e⸱s étranger⸱ère⸱s résulte de l’acceptation d’une initiative populaire.

La proposition d’accorder l’éligibilité communale n’a pas été retenue lors de la révision de la Constitution de 2012. Un projet de loi parlementaire remet le travail sur le métier en 2019: approuvé en Commission, le texte demandant l’éligibilité communale et les droits de vote complets au niveau cantonal échoue en plénière. En 2022, une initiative populaire identique munie de plus de 10’000 signatures a été déposée et a reçu l’aval du Conseil d’État. Le peuple est appelé à se prononcer en juin 2024.

Bâle-Ville

A Bâle-Ville aussi la question de l’extension des droits politiques aux personnes sans passeport suisse est à l’ordre du jour depuis longtemps. En 1994, une initiative populaire visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux personnes résidant en Suisse depuis huit ans a été rejetée à une large majorité. En 2005, le peuple approuve la révision de la Constitution cantonale comportant l’extension facultative du droit de vote et d’éligibilité au niveau communal.

En 2010, l’initiative cantonale « Stimmrecht für Migrantinnen und Migranten » (Droit de vote pour les migrants) visant à introduire le droit de vote et d’éligibilité au niveau cantonal et le contreprojet subissent le même sort, rejetés par 81% des votants. Neuf ans plus tard, la députée Edibe Gölgeli dépose une motion largement soutenue intitulée « Stimmrecht für Einwohner*innen ohne Schweizer Bürgerrecht »  (Droit de vote pour les habitant⸱e⸱s sans nationalité suisse). Les personnes titulaires d’un permis d’établissement et résidant depuis au moins cinq ans dans le canton devraient obtenir le droit de vote et d’éligibilité cantonal. Dans sa prise de position en 2020, le Conseil d’Etat a soutenu cette demande. Les débats parlementaires à ce sujet auront lieu dans le courant de l’année 2024.

Promouvoir la participation et renforcer la démocratie

Ces deux cantons sont confrontés au défi de concilier le principe de la démocratie avec une réalité d’une forte présence de résident⸱e⸱s étranger⸱ère⸱s, de sorte que,  le droit à la participation politique peut de moins en moins être fondé sur la seule nationalité.

A Genève, le taux de participation aux élections du Grand Conseil de 2023 a été de 37,1%: quelques 102’500 personnes ont élu ceux qui prendront des décisions sur les questions intéressant une population résidente de 517’802 personnes. A Bâle-Ville, en 2023 le taux de participation politique a été de 43,9%: environ 46’000 personnes ont élu ceux qui décideront sur des affaires concernant un espace dont la population résidente est de 205’582 personnes. L’introduction du droit de vote et d’éligibilité cantonal pour les résident⸱e⸱s sans passeport suisse est un moyen de combler ce déficit démocratique.

Genève et Bâle-Ville ont été parmi les premiers cantons à introduire le droit de vote des femmes au niveau cantonal, respectivement en 1960 et en 1966, renforçant ainsi la démocratie locale. Aujourd’hui, l’inclusion dans le corps électoral d’une importante fraction de la population résidente largement privée de droits politiques consoliderait la cohésion sociale et renforcerait la démocratie locale.

Rosita Fibbi, sociologue des migrations, est chercheuse associée au nccr – on the move; Zaira Esposito a une maîtrise universitaire en politique et management publics et est coinitiatrice du projet « Migrant:innen session beider Basel ».

Références:

-Ackermann, Nadja, Marc Bühlmann, et Hans Hirter. 2024. “Ausgewählte Beiträge zur Schweizer Politik: Dossier: Einführung des Ausländerstimmrechts, 1987 – 2022.” Bern: Année Politique Suisse, Institut für Politikwissenschaft, Universität Bern.
-Llorens, Melissa. 2013. “Sortir l’immigration de son ghetto” : le Centre de contact Suisses-immigrés de Genève, relais des revendications immigrées? 1974-1990. Genève: Mémoire de master, Faculté des Sciences économiques et sociales, Université de Genève.
-Rüegger, Vanessa. 2017. “Demokratie – Politische Rechte für Ausländerinnen und Ausländer”. In: Andreas, Glaser (Hrsg.), Politische Rechte für Ausländerinnen und Ausländer? Zürich: Schulthess Juristische Medien AG. p. 75-106.
-Tanquerel, Thierry. 2010. “Les électeurs étrangers.” In Rapports suisses présentés au XVIIIe Congrès international de droit comparé. Washington. Genève Schulthess, 2010. p. 179-219.

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