Ne pas laisser un art. 121a dans le placard…
Tout va mieux dirait-on ! Le front des migrations encore bruissant d’angoisses il y a un an s’est soudain détendu en Suisse. L’UDC a d’autres soucis cantonaux, les demandes d’asile comme le solde migratoire sont – un peu – à la baisse, le Brexit pourrait même offrir quelques avantages…
Paralysée durant près de trois ans, la mise en œuvre de l’art. 121a ne semble plus faire souci. La préférence indigène par les employeurs et employeuses reste fort floue et on ne sait trop comment les offices de l’emploi géreront cette affaire, mais son innocuité la rend eurocompatible tout en permettant d’avoir « fait quelque chose »… Ses artisan·e·s au parlement sont certainement dans le vrai en affirmant qu’une majorité du peuple – actuellement – s’en satisfait. L’UDC ne s’y est pas trompée et a rengainé le référendum.
Vient maintenant RASA, l’initiative qui vise à biffer l’art. 121 a de la Constitution. Son comité décidera-t-il de la retirer ? et si non, le Conseil fédéral présentera-t-il un contre-projet jusqu’ici mal reçu en consultation ?
Dans les deux cas, à la manœuvre, il sera bon de ne pas oublier que l’embellie migratoire pourrait être transitoire. La situation est volatile. Demain la politique d’accueil extraordinairement généreuse de l’Italie peut changer et la Suisse devoir accueillir beaucoup plus de demandeur·euse·s d’asile ce qui enflammerait les passions. Demain nos voisins européens peuvent redevenir des sources d’immigration importantes dans un marché du travail troublé. De même, sans immigrations accrue, la situation conjoncturelle jusqu’ici favorable peut faciliter la récupération politique du thème de la concurrence entre personnes autochtones et étrangères et raviver les peurs qui avaient conduit au 9 février 2014.
Laisser dans ces conditions bien au chaud dans la Constitution l’art. 121a en évitant d’en débattre est une solution de facilité. Le cadavre pourrait bouger encore si, le moment venu, l’UDC décidait de lui ouvrir la porte en affirmant que les mesures prises pour le mettre en œuvre sont devenues insuffisantes et que le gouvernement agit… anticonstitutionnellement !
Mieux vaut régler les choses clairement. Préciser sans délai la portée de l’article constitutionnel et mettre en place des mesures d’accompagnement à la libre-circulation suffisantes pour rassurer la population. Ayons le courage de débattre du futur migratoire et européen en période de calme relatif. Maintenant.
Etienne Piguet
Chef de projet, nccr – on the move, Université de Neuchâtel
À l’origine, ce billet a été mis en ligne le 5 avril 2017 sur le blog « Politique migratoire » de l’Hebdo.
Rosemarie Weibel 20.04.2017
Et n’oublions pas que la partie dont personne ne parle, c’est-à-dire la limitation du droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales ainsi que les conditions pour l’octroi d’un permis de séjours (entre outre une source de revenus suffisante et autonome), justifie la pratique toujours plus dure et d’exclusion des autorités préposées à la migration aussi en matière de regroupement familial et renouvellement des permis de séjour. Ce qui a pour conséquence une précarité accrue des migrants et de leurs conjoints (y inclus les Suisses) tel qu’une augmentation de la pauvreté (par peur de perdre le permis), une pression à accepter des conditions de travail pitoyables (par peur d’être renvoyés pour manque de travail), un sens permanent d’être provisoire. Ce sont là les conditions qui défavorisent l’integration, la participation à la vie civile et politique, ainsi que des facteurs de risque en matière de violence.