Etranger ou étrangère admis-e provisoirement (Permis F)
A l’heure actuelle, le statut de séjour qu’est l’admission provisoire fait l’objet de discussions aussi bien dans les médias qu’au niveau politique. Plus de 30’000 personnes séjournent aujourd’hui en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire. La question se pose donc de savoir que signifie exactement « admission provisoire », quels sont les droits et devoirs concernés et où se situent les difficultés et les défis posés par ce statut ?
L’admission provisoire a été introduite dans la loi fédérale sur l’asile en 1986. Cette introduction faisait suite à la constatation qu’un nombre toujours plus grands de renvois de requérant-e-s d’asile débouté-e-s s’avéraient impossibles ou inexigibles et que cela avait pour conséquence la mise en détention des personnes concernées. Cette détention était, au départ, censée être une mesure de remplacement mais son importance a cependant augmenté au cours du temps poussant différents acteurs tels qu’Eglises, œuvres d’entraide, organisations de défense des droits humains et partis politiques (sauf l’UDC) à se battre pour la création d’un statut subsidiaire pour les déboutés de l’asile. Le Conseil fédéral proposa alors pour cette mesure de remplacement le terme d’admission provisoire et que celle-ci ne dure que tant que le renvoi est impossible et inexigible. A ce moment-là, le statut d’étranger/d’étrangère admis-e provisoirement ne prévoyait aucune possibilité de regroupement familial ou de transformation de ce statut en autorisation de séjour.
Réglementation actuelle
En vertu de l’actuelle loi fédérale sur l’asile l’admission provisoire est octroyée à deux différents groupes de personnes. Il s’agit, premièrement, des personnes dont la demande d’asile est rejetée mais dont l’exécution du renvoi ou de l’expulsion est (1) impossible (pour des raison techniques telles qu’absence de possibilités de transport dans le pays d’origine ou de provenance, impossibilité d’obtenir des documents de voyage ou fermeture des frontières), (2) illicite (violation du droit international) ou (3) inexigible (danger concret pour l’étranger/l’étrangère). Ces personnes reçoivent le titre d’étranger/étrangère admis-e provisoirement (permis F), réglé à l’art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers. Le second groupe est composé de personnes reconnues comme réfugiés mais pour lesquelles des motifs d’exclusion de l’asile existent. Il peut alors s’agir soit d’indignité (par exemple en raison d’actes répréhensibles ou d’atteinte à/mise en danger de la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse), soit de motifs d’asile survenus après la fuite (cas où le risque de persécution n’est apparu que suite à la fuite du pays d’origine ou de provenance). Ces personnes sont des réfugiés admis provisoirement (permis F) et ils bénéficient, au contraire des étrangers/étrangères admis-es provisoirement, des droits inscrits dans la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.
La durée du permis F est limitée à douze mois. Chaque année, un examen est donc effectué pour vérifier si les conditions d’octroi de l’admission provisoire sont toujours remplies. Si tel est le cas, le permis F est prolongé. Dans le cas contraire, l’exécution du renvoi est ordonnée et la personne doit quitter la Suisse.
Mobilité limitée
Les personnes admises à titre provisoire peuvent choisir librement leur lieu de domicile dans le canton auquel elles sont attribuées. Elles n’ont par contre aucun droit à un changement de canton et une autorisation de franchir la frontière n’est accordée que dans des cas exceptionnels. De la même manière, les voyages à l’étranger sont soumis à des conditions strictes et ne sont possibles qu’exceptionnellement.
Pas de droit au regroupement familial
Il n’existe pas de droit au regroupement familial. Cependant, au plus tôt après trois ans et à condition (1) que les membres de la famille projettent de vivre ensemble, (2) qu’ils disposent d’un logement approprié et (3) que la famille ne dépende pas de l’aide sociale, le regroupement familial peut être accordé pour le ou la conjoint-e et les enfants de moins de 18 ans.
Pas de droit d’exercer une activité lucrative
Les étrangers/étrangères admis-es provisoirement sont certes soumis-es à un devoir d’autorisation, ils disposent toutefois en principe d’un accès au marché du travail identique à celui dont bénéficient les détenteurs de permis B. L’autorité cantonale peut leur octroyer une autorisation de travailler tant que les conditions légales de rémunération et de travail sont respectées. L’octroi de l’autorisation est indépendant de la situation économique et de la situation sur le marché de l’emploi. Les personnes admises provisoirement sont soumises à l’obligation de verser la taxe spéciale en vertu de laquelle dix pourcent de leur salaire sont retenus et versés à la Confédération. Ce devoir cesse trois ans après l’octroi de l’admission provisoire, respectivement après le paiement d’un total de 15’000 CHF.
Droit à l’aide sociale
Les étrangers/étrangères admis-es à titre provisoire ont droit à l’aide sociale si ils ne sont pas à même de subvenir à leurs besoins (et éventuellement à ceux de leur famille). Les cantons sont compétents pour déterminer le montant de l’aide sociale et en assurer l’octroi.
Intégration
La Confédération encourage l’intégration des étrangers et étrangères admis-e-s provisoirement par le biais d’une contribution forfaitaire pour l’intégration. Le forfait unique est de 6’000 CHF par personne et sert à financer des mesures visant l’intégration sociale, culturelle et professionnelle des admis-es provisoires.
Obtention d’une autorisation de séjour (Permis B)
Les personnes disposant d’un permis F depuis cinq ans et qui sont bien intégrées ont la possibilité de déposer auprès de l’autorité cantonale compétente une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur. Si le canton et, en dernière instance, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) approuvent cette demande, une autorisation de séjour (permis B) est délivrée.
Difficultés et défis actuels
Malgré son nom et la possibilité de déposer une demande de cas de rigueur, l’admission provisoire n’est bien souvent pas réellement provisoire. La majorité des personnes soumises à ce statut le sont depuis plus de sept ans, parfois même dix ans, ce qui contredit la notion d’admission provisoire. De plus, le terme d’admission provisoire influe négativement sur les chances de trouver un emploi en raison de la méconnaissance par les employeurs de ce statut de séjour et des droits et devoirs y étant liés.
L’admission provisoire contient au final de nombreuses contradictions. D’un côté, les personnes concernées sont sommées de s’intégrer alors que de l’autre la législation actuelle leur rend la tâche plus compliquée. Et on voit au travers des nombreuses limitations à la mobilité en matière d’activité professionnelle et de regroupement familial que l’importance d’une intégration globale n’est pas prise en compte.
Des discussions ont lieu en ce moment en vue d’une modification de la dénomination de ce statut. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative contre l’immigration de masse et dans le but de favoriser le « potentiel interne », le Conseil fédéral a également proposé des mesures visant à faciliter l’intégration des admis-es provisoires sur le marché du travail.
Didier Leyvraz, Doctorant au Centre de droit des migrations, Université de Neuchâtel
Stefanie Kurt, PostDoc, nccr – on the move, Université de Neuchâtel
Plus d’informations au sujet de l’admission provisoire :
Dossier: Admission provisoire, le fardeau évitable (auf Französisch)
asile.ch: Plateforme d’information sur l’asile – Actualités et documentation sur les réfugiés en Suisse et dans le monde