Table ronde d’expert·e·s : On l’appelle ‘la deuxième génération’ – Un épilogue

Le 20 septembre dernier, le « nccr – on the move » a organisé sa troisième table ronde d’expert·e·s, en partenariat avec la Fondation Mercator Suisse. Portant sur les trajectoires d’enfants de migrant·e·s, la journée a permis l’émergence de pistes concrètes, visant avant tout la sensibilisation des institutions aux discriminations et stigmatisations quotidiennes que rencontrent encore trop souvent ces jeunes citoyen·ne·s dont les parents ont un jour migré en Suisse.

L’événement, qui a eu lieu dans le cadre magnifique du Musée Gutenberg à Fribourg, s’inscrit dans la volonté du « nccr – on the move » de faire connaître les résultats de ses recherches et de promouvoir un dialogue informé sur les thématiques de la migration et de la mobilité. Une soixantaine de représentant·e·s de l’administration, de la politique, de la société civile et du monde académique ont ainsi répondu à notre invitation. L’équipe de l’émission Diversité (La Télé) était parmi nous : l’émission du 28 septembre retrace les débats de la journée, modérée par Vjosa Gervalla, responsable adjointe de la plateforme Albinfo.ch.

Dans la première table ronde, les études présentées par Rosita Fibbi (Université de Neuchâtel) et Giuliano Bonoli (Université de Lausanne) ne laissent aucun doute sur la réalité de la discrimination sur le marché du travail : il est moins facile d’être engagé·e quand on a un nom qui laisse penser que nos parents viennent d’ailleurs. Les panélistes sont d’accord avec Michele Galizia, du Service de lutte contre le racisme : la législation anti-discrimination n’est pas suffisante. Il est aussi nécessaire de lutter contre les stéréotypes, souvent inconscients, qui circulent parmi les employeurs et employeuses, et qui sont véhiculés dans les discours publics et politiques en général. Hélène Agbémégnah (Travail.Suisse et membre de la Commission fédérale pour les questions de migration) en est persuadée : il faut changer les mentalités en passant notamment par des partenariats sociaux. Une proposition que soutient Marco Taddei, de l’Union Patronale Suisse, pour qui les patron·ne·s ont un rôle à jouer : une entreprise peut être à la fois rentable économiquement et sensible aux attitudes discriminatoires.

Les panélistes du deuxième débat ont abordé les trajectoires des enfants de migrant·e·s sous l’angle des obstacles quotidiens, ces « microagressions » mentionnées par Robin Stünzi (Université de Neuchâtel), ces confrontations récurrentes à leur supposée différence qu’on retrouve jusqu’aux termes utilisés pour les définir, selon Janine Dahinden (Université de Neuchâtel). Un travail de sensibilisation des institutions est nécessaire, dans les écoles, les lieux d’apprentissage et de travail, dans l’administration locale. Un travail qui viserait non seulement à favoriser la diversité, mais à établir un nouveau narratif de ce qu’est « être suisse », au-delà du mythe de la fondue et du « nom à consonance suisse ». Pour Ada Marra, Conseillère nationale, il y a « mille manières d’être Suisse ». Ces mille manières devraient se refléter dans nos institutions, que ce soit dans les manuels scolaires d’histoire ou de littérature, comme le souhaite Markus Truniger, spécialiste de pédagogie interculturelle, ou dans une scène culturelle inclusive des voix de celles et ceux qui sont à la marge, selon les mots de Rohit Jain, de l’Institut Neue Schweiz.

La journée s’est terminée par la projection du film « Succès ordinaires ? S’enraciner par-delà les écueils », produit par le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population. Accessible gratuitement, le film déroule avec sensibilité le parcours couronné de succès d’hommes et de femmes né·e·s en Suisse de parents venu·e·s d’ailleurs. Les commentaires d’Albana Agaj, chanteuse zurichoise, et d’Inan Akinci, musicien lausannois, ont conclu de manière lumineuse l’événement : nul besoin de légitimer leur présence ni de revendiquer quoi que ce soit pour « être suisse », pour ces artistes qui disent être chez eux sur une scène ou dans leur ville.

Les débats fournis, les idées de partenariats discutées – et que nous avons l’espoir de voir se concrétiser –, et les échanges formels et informels avec le public présent, nous convainquent une fois encore de la responsabilité d’un réseau tel que le « nccr – on the move » de disséminer ses connaissances et d’encourager le dialogue avec celles et ceux qui sont sur le terrain. Une responsabilité qui trouve un écho auprès de ses partenaires qui, telle la Fondation Mercator, cherchent à promouvoir un débat social constructif.

Programme en français (PDF)
Programm auf Deutsch (PDF)

Joëlle Moret
Responsable du transfert de connaissances, « nccr – on the move »