Référendum du 5 juin sur la LAsi : le conseil et la représentation juridique gratuits

26.05.2016 , in ((Politik)) , ((Keine Kommentare))

Parmi les mesures prévues dans le cadre du projet de restructuration du domaine de l’asile, le conseil et la représentation judiciaire gratuits mis à disposition des requérants d’asile dans les centres fédéraux est certainement celle qui fait le plus débat. Facteur d’attraction pour certains, réelle amélioration pour d’autres : qu’en est-il exactement de cette assistance juridique gratuite ?

Le projet de modification de la Loi sur l’asile (LAsi) prévoit le droit à un conseil et une représentation juridique gratuits (art. 102f ss Projet-LAsi) pour tous les requérants dont la demande est traitée dans les centres de la Confédération. Cette tâche est attribuée par le Secrétariat d’Etat aux migrations à un prestataire – l’OSAR dans la phase de test – lequel désigne ensuite un avocat ou un diplômé universitaire en droit (représentation), respectivement un conseiller (conseil). Lorsqu’un requérant est placé dans un canton, il a le droit de « s’adresser gratuitement au représentant juridique désigné ou à un bureau de conseil juridique » pour les grandes étapes de la procédure et, en particulier, pour l’audition sur les motifs d’asile.

Une assistance soumise à de nombreuses critiques

Ce droit à une assistance juridique gratuite est actuellement au centre des débats politiques et fait l’objet de nombreuses prises de position d’universitaires et de praticiens. Plusieurs arguments sont mis en avant pour critiquer cette assistance judiciaire gratuite.

L’UDC, dépositaire du référendum, critique principalement le coût de cette mesure, le risque qu’elle rende le pays plus attractif pour les requérants d’asile et l’absence de droit équivalent pour les citoyens suisses. L’assistance juridique prévue est rémunérée au forfait « sur la base d’une convention et pour des solutions financièrement avantageuses » (art. 102k P-LAsi). Dans le cadre de la phase de test, le forfait était de 1’360 CHF. Si ce montant, multiplié par le nombre de requérants d’asile qu’accueille la Suisse, peut paraître élevé, il convient de noter que si les prestations des conseils et représentants étaient facturées à l’heure, la facture serait nettement plus importante. Quant à l’argument de l’absence d’un tel droit pour les citoyens suisses, il est simplement erroné puisque l’art. 29 de la Constitution fédérale (Cst.) prévoit un droit à l’assistance judiciaire gratuite pour toute personne ne disposant pas de ressources suffisantes et dont la cause n’est pas dépourvue de toute chance de succès. Cette disposition constitutionnelle est d’ailleurs reprise par les trois grandes lois fédérales de procédure (PA, CPC, CPP). L’argument de l’augmentation de l’attractivité de la Suisse doit également être relativisé dans la mesure où la politique en matière d’asile n’est que l’un des déterminants du choix – quand il s’agit effectivement d’un choix – du pays dans lequel une personne demande l’asile ; aux côtés d’autres éléments comme la présence de proches dans ce pays ou la probabilité de recevoir effectivement la protection recherchée.

Les juristes démocrates de Suisse, qui se sont fait les auteurs d’une expertise sur la restructuration du domaine de l’asile, critiquent quant à eux principalement le trop grand pouvoir décisionnaire du représentant ainsi que l’absence d’indépendance. Le projet de loi (art. 102h al. 4), tout comme actuellement l’art. 25 de l’ordonnance sur les phases de test, prévoit un devoir du représentant de renoncer à son mandat suite à la décision de première instance lorsque le recours « serait voué à l’échec ». Conséquence, le représentant juridique détient le pouvoir de clore définitivement une procédure d’asile lorsqu’il estime que le recours n’a pas de chance d’aboutir – aucun recours n’étant possible contre cette décision (cf. arrêt du TAF D-4880/2014 du 19 janvier 2015 consid. 3.3.4). Pour deux raisons, ce pouvoir semble problématique : d’abord car cette décision laisse une grande place à la subjectivité du représentant et ensuite car le « prestataire » est désigné par le SEM (art. 102f P-LAsi) et que ce dernier a – selon le contrat de prestation (cf. Caroni/Scheiber, p. 14) – un droit de demander au prestataire la révocation d’un représentant ne respectant pas les exigences du cahier des charges. On peut se demander si ce risque d’être révoqué ne pourrait pas agir comme une pression sur les représentants les incitant à aller dans le sens du SEM.

Alors, réelle amélioration ou nécessaire compensation des durcissements ?

Certes, l’assistance juridique gratuite est effectivement la mesure du projet soumis au vote le 5 juin qui est la plus « en faveur » des requérants d’asile. Ses défenseurs estiment d’ailleurs que celle-ci représente une amélioration de la situation des requérants dans la mesure où elle permet de leur assurer une meilleure compréhension du système ainsi qu’un meilleur accès à leurs droits et une meilleure protection de ceux-ci.

Cependant, face aux durcissements qu’impose la loi (raccourcissement des délais en particulier) on peut se demander s’il est réellement légitime de la qualifier de progrès ou si c’est plutôt une nécessité en vue d’assurer le respect des droits des requérants voire une compensation accordée par la majorité dans le cadre du « compromis entre les differents intérêts en jeu » évoqué dans mon premier billet.

Didier Leyvraz
Assistant et doctorant en droit des migrations, Université de Neuchâtel

 

Pour de plus amples informations

Martina Caroni/Nicole Scheiber (sur mandat des juristes démocrates de Suisse), Expertise concernant des questions juridiques en lien avec la restructuration dans le domaine de l’asile et l’accélération de la procédure d’asile (août 2015) (et résumé en français).

Centre Suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), Evaluation externe de la phase de test relative à la restructuration du domaine de l’asile. Mandat 4. Protection juridique : conseil et représentation juridiques. Rapport final (novembre 2015).

Ordre des avocats de Genève, La lettre du Conseil, no 62 (mars 2016), p. 21 ss.

Site internet du Centre de droit des migrations, rubrique « Thématiques actuelles » : la modification de la loi sur l’asile.

 

 

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